Pour qui la rente viagère est-elle utile et opportune ?
« C’est vraiment du cas par cas, dépendamment de la santé de l’individu et de sa santé financière », affirme le planificateur financier Kevin Lee, chargé d’enseignement à l’Université Laval.
Et de sa santé émotionnelle, pourrait-on ajouter.
Bref, il y a trois facteurs à considérer dans le diagnostic.
La santé physique
La rente viagère, comme toute assurance, s’appuie sur la mutualisation du risque. Ceux qui meurent précocement paient indirectement pour ceux qui vivent au-delà de la moyenne.
« Si je suis diabétique et que je pense que je vais vivre moins longtemps que l’individu caractéristique moyen, je suis un peu en train de payer pour les autres », énonce Kevin Lee.
PHOTO FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ LAVAL
Le planificateur financier Kevin Lee est chargé d’enseignement à l’Univpersité Laval,
où il donne notamment le cours Produits financiers : assurances et rentes dans la concentration
Planification financière du baccalauréat en administration des affaires.
« Je suis peut-être un moins bon acheteur de rente si je pense que mon espérance de vie est escomptée. »
Kevin Lee, planificateur financier et chargé d’enseignement à l’Université Laval
La santé financière
Il faut un minimum de capital pour en immobiliser une partie dans l’achat d’une rente viagère.
Kevin Lee donne l’exemple d’un retraité dont les revenus de retraite sont principalement constitués des rentes publiques et qui ne détient que 30 000 $ en REER.
« Cette personne-là a besoin de flexibilité. Si on prend ses 30 000 $ de REER et qu’on achète une rente, elle n’a plus accès au capital. Si surgit un besoin à court terme, elle ne peut pas se tourner vers d’autres choses. »
La santé émotionnelle
Une faible tolérance au risque n’est pas un problème en soi, mais l’angoisse qui résulte d’un risque perçu comme trop élevé en est un. Une rente viagère élimine l’effet des variations de taux d’intérêt – y compris celles qui seraient favorables – et assure un revenu régulier et stable jusqu’au décès.
« Plus l’individu a une grande aversion au risque, plus il est susceptible d’acheter de la rente viagère », observe Kevin Lee.
QUI ?
« Quelqu’un qui a un gros régime de retraite à prestations déterminées n’a pas besoin de s’acheter une rente », formule la planificatrice financière Nathalie Bachand, du cabinet Bachand Lafleur groupe conseil.
La rente viagère s’adresse davantage à ceux qui comptent essentiellement sur un régime à cotisations déterminées, un compte de retraite immobilisé ou leurs épargnes.
Le mode de rémunération durant la vie active influe aussi sur la propension à s’intéresser aux rentes, observe Caroline Marion, planificatrice financière chez Desjardins Gestion de patrimoine.
PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS GESTION DE PATRIMOINE
Caroline Marion, planificatrice financière chez Desjardins Gestion de patrimoine
« Plus une personne a été un salarié régulier pendant sa période de travail, plus elle va être rassurée à la retraite et mieux elle va dormir si une part importante de son épargne retraite prend la forme d’une rente. Elle va continuer à recevoir des mensualités ou des paiements réguliers, et ça, c’est rassurant pour un salarié qui en a eu toute sa vie. »
Caroline Marion, planificatrice financière chez Desjardins Gestion de patrimoine
QUAND ?
Si le besoin se présente, à quel âge devrait-on acheter une rente viagère ?
Le début de la retraite est évidemment un bon point d’entrée.
« À moins que la retraite soit prématurée ! », nuance Dany Provost, directeur de la planification financière et de l’optimisation fiscale chez SLF Gestion de patrimoine. « Pour les gens qui prennent leur retraite avant 65 ans, je n’ai pas tendance à recommander d’acheter immédiatement une rente viagère, parce que plus on prend sa rente viagère tôt, plus le montant va être faible. »
Le cap des 70 ans est aussi un moment propice.
« Je dirais au plus tard autour de 71 ou 72 ans, quand les revenus se stabilisent et qu’on a une bonne idée de nos revenus viagers. »
Le facteur psychologique
Aussi utile soit-elle, la rente viagère suscite des réticences.
« À chaque fois que j’en ai parlé à des clients, je n’ai pas eu une si grande ouverture », constate Nathalie Bachand.
« La question qui vient, c’est : mais qu’est-ce qui arrive si je décède ? C’est la même chose avec le report des rentes publiques. » On veut convaincre les gens de se protéger au cas où ils vivraient longtemps, mais ils ont beaucoup de difficulté à se projeter dans l’avenir. Ils veulent vivre tout de suite. »
Le désir de laisser un héritage aux enfants intervient également.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE
Nathalie Bachand, du cabinet Bachand Lafleur groupe conseil
« Lorsqu’on explique que s’ils meurent jeunes, il se peut qu’ils laissent de l’argent sur la table, c’est souvent plus difficile à accepter. »
Nathalie Bachand, du cabinet Bachand Lafleur groupe conseil
C’est une vue de l’esprit : dès lors que la rente est achetée, il ne reste plus d’argent sur la table. Il est vrai que si le rentier avait conservé son capital pour en faire des retraits, le solde aurait pu être légué en cas de mort précoce.
Mais comme avec toute assurance, on paie pour se prémunir contre un risque qui, s’il se concrétise, nous coûtera autrement plus cher. Ici, le risque de vivre vieux.