Les mesures annoncées dans ce budget soporifique sont un tas de grenailles… mais le portrait global peut tout de même donner le vertige.
Le ministre des Finances ne semble avoir qu’un seul objectif, celui de conserver le ratio « dette/PIB » stable. Autrement dit, le montant de la dette en dollars n’est pas important, tant qu’il demeure « raisonnable » par rapport à la production du pays. Actuellement, ce ratio serait de moins de 32 % et le gouvernement prévoit qu’il diminuera jusqu’à 17,3 %… en 2056!
Une des choses que j’aime en économie est la facilité d’interprétation des chiffres. Il faut choisir parmi l’une des 129 définitions (j’exagère à peine…) de la « dette » qu’on veut bien nous présenter. Évidemment, lorsque cette présentation est faite par un gouvernement, ce n’est pas le côté le plus sombre qui est mis de l’avant.
Pour savoir comment le Canada se débrouille, on peut notamment se comparer. Si on va sur le site de l’OCDE, on peut voir les résultats du Canada à côté de ceux d’autres pays. Les données de 2015 pour notre beau pays ne semblent pas avoir été compilées encore. Lorsqu’on arrive sur cette page, on voit un graphique représentant le ratio « dette/PIB ». Or, comme le Canada est absent pour la dernière année, si on prenait les chiffres officiels de 2015-2016 de 31,1 %, on pourrait penser que la Canada est au 3ème rang, ou à peu près, de tous les pays de l’OCDE. Mais… si l’on fait afficher les données pour 2014-2015, on se rend compte que le Canada est au 22ème rang sur 32 pays affichés… Oups!
De toute évidence, on ne parle pas du même ratio car on le chiffre à 107,18 %, soit plus du triple de celui de la Norvège, par exemple, ou près du double de celui de l’Australie. Moins reluisant…
Mais encore. Même si une comparaison avantage un candidat, cela signifie-t-il que le résultat est bon dans l’absolu ? Faisons une comparaison avec une famille pour avoir une idée un peu plus juste de la situation.
Disons qu’une famille a un revenu familial de 150 000 $ (si le montant ne correspond pas à votre situation, gardez les proportions en tête). Avec un tel revenu, faisons l’hypothèse qu’il reste 100 000 $ après impôts pour vivre.
En appliquant la méthode de la Banque du Canada (en soustrayant les remboursements totaux de la dette du revenu disponible) à notre famille moyenne, le document budgétaire nous fait déduire que cette famille aurait une dette moyenne de 146 000 $ et consacrerait environ 12 500 $ au remboursement de cette dette, incluant le remboursement de capital. La dette pourrait ainsi être réduite à néant après une quinzaine d’années. Notons que, selon la Banque du Canada, près de 70 % de la dette, soit 102 000 $ dans notre exemple, serait due à au prêt de la maison et le reste, 44 000 $, à d’autres formes de dettes. Notre famille moyenne, ici, a donc les moyens de dépenser annuellement un montant de 87 500 $ moins l’épargne qu’elle fait pour la retraite et autres. Si elle a des engagements financiers pour 75 000 $, elle peut donc économiser 12 500 $. Elle pourrait même accélérer le remboursement de sa dette avec cet argent.
Ramenons maintenant les dépenses du Canada à un niveau familial. Le Canada, avec ses quelque 300 milliards de dollars de revenus et sa dette de 730 milliards, doit payer 25 milliards en intérêt sur cette dernière. C’est comme si notre famille ayant un revenu disponible de 100 000 $ avait également 100 000 $ d’engagements financiers en plus des remboursements de sa dette. Elle devrait payer plus de 8 000 $ d’intérêt seulement sur cette dette dont le montant s’élèverait à 240 000 $. Moins jojo… Notre famille, n’ayant même pas l’argent pour payer les intérêts sur sa dette, doit emprunter encore plus…
Si elle voulait s’en débarrasser après 25 ans, elle devrait hausser ses versements à plus de 14 000 $ par année. Vous imaginez ? Ce serait une situation insoutenable. Il faudrait effectuer une coupure de 14 % des dépenses pour espérer voir la lumière après 25 ans. Et ce n’est pas tout…
En payant 25 G$ de dollars en intérêt sur une dette de 730 G$, on obtient un taux moyen de 3,4 %. Pas mal… Mais qu’arriverait-il si les taux montaient ?
Une hausse de 1 de point de pourcentage des taux génèrerait une augmentation de l’intérêt payable de 29 % (4,4 % par rapport à 3,4 %) pour le gouvernement. Si les taux montaient de 2 %, c’est donc un trou de 15 milliards par année qui se créerait au Canada, sans parler de l’augmentation de la dette déjà prévue! Et tout ça, sans rembourser de capital… En appliquant cela au niveau de notre famille (qui veut en finir après 25 ans) une hausse de 2 % ferait passer les versements de 14 000 $ à 17 000 $! Et dire que la situation des familles « inquiète » le gouvernement avec leur niveau d’endettement, ne s’inquiète-t-il pas pour le sien ?
Mais, évidemment, le gouvernement n’est pas une famille… Alors, est-ce qu’un ratio « dette/PIB » de 31,5 % est bon ? On le saura dans 30 ans…